Les priorités du prochain gouvernement, la conjoncture socioéconomique difficile et contraignante… autant de messages implicitement envoyés aux partis politiques et au Parlement et appel à l’unité nationale, Hichem Mechichi s’est exprimé devant une Assemblée des représentants du peuple (ARP) au-delà de ses divergences. A-t-il convaincu ? Est-il parvenu à démontrer l’efficacité de son programme gouvernemental et de son équipe aux élus mais aussi aux Tunisiens ?
Inaugurant son discours par un exposé sur ce qu’il a appelé la difficile conjoncture économique et sociale et rappelant l’énormité des attentes du peuple dont, selon ses dires, la patience se réduit comme peau de chagrin, le Chef du gouvernement désigné a énuméré ses priorités devant les députés. Déterminé, Hichem Mechichi a appelé à rétablir la valeur du travail comme seule issue pour sortir de cette crise qu’il a décrite comme une hémorragie dont souffre la Tunisie et qu’il est impératif d’arrêter.
Sous la coupole du Bardo, présentant les grandes priorités de son programme de gouvernement, avant d’introduire les 25 ministres et 3 secrétaires d’État de son équipe, le candidat à la Kasbah a su exprimer clairement ses idées, même si certaines ont été transmises implicitement. Misant sur la clarté, la détermination et l’unité nationale, Mechichi a placé la situation des finances publiques à la tête de ses priorités. «Ceci passera forcément par l’amélioration des finances publiques en cherchant notamment de nouvelles sources de financement pour les caisse de l’Etat. Il est question, également, de réformer les logistiques et digitaliser les services de communication et de transport», a-t-il expliqué.
Hichem Mechichi mise également sur la rationalisation des dépenses de l’État en restructurant le secteur public, privilégiant les réformes de l’administration à travers la digitalisation et le télétravail, le développement des ressources humaines, le rétablissement de la confiance dans les transactions de l’État et le soutien aux investissements. Outre ces considérations purement économiques et financières, le Chef du gouvernement désigné a également évoqué la nécessité de préserver le pouvoir d’achat du citoyen et de protéger les catégories fragiles et lutter contre la pauvreté.
Un pacte avec les partis
L’un des principaux passages de ce discours n’est autre qu’un appel à un pacte politique et moral avec les partis et les députés. En effet, conscient de l’impossibilité d’œuvrer en dehors du cadre parlementaire notamment en ce qui concerne l’adoption de projets de loi, le Chef du gouvernement désigné a appelé les députés à voter pour son gouvernement, un vote qui équivaut, selon ses dires, à un pacte moral de symbiose, d’harmonie et de coopération pour assurer une stabilité politique. En effet, Hichem Mechichi a proposé aux élus de conclure un pacte de confiance fondé sur un contrat moral scellé avec les membres de son gouvernement, dont le rendement sera, selon Mechichi, crucial pour la poursuite de leurs missions à la tête des différents ministères. Evoquant ce pacte, Hichem Mechichi s’est engagé personnellement à œuvrer en «franche collaboration» et en «totale synergie» avec les députés et toutes les forces politiques, économiques et sociale. «Je n’hésiterai pas à opérer des modifications nécessaires à mon gouvernement si cela s’avère nécessaire, tout en respectant la légalité et la Constitution», a-t-il laissé entendre pour donner le ton et sortir de l’ombre du président de la République qu’il a nommé, d’autant plus que les partis politiques contestent l’implication de Kaïs Saïed dans les choix de Hichem Mechichi, ce que le Palais de Carthage avait démenti. «Le travail des membres de mon équipe sera soumis à un suivi périodique pour permettre d’évaluer leur rendement gouvernemental et de s’assurer de la réalisation des objectifs fixés», a-t-il expliqué davantage. Dans ce contexte d’ouverture sur le parlement et ses membres et de main tendue aux députés, Hichem Mechichi a lancé un appel à l’unité nationale et à la stabilité politique affirmant qu’il garde les «portes ouvertes pour tous et pour les critiques et les conseils». «Nos divergences doivent nous rassembler et non nous diviser», a-t-il insisté.
Une déclaration d’intentions ?
Les réactions des partis politiques, des élus et des politiciens à ce discours de 25 minutes n’ont pas tardé. Plusieurs députés même s’ils se sont félicités des grands traits de ce programme gouvernemental, se sont demandé sur les moyens de concrétiser ses points. C’est dans ce sillage que la présidente du bloc parlementaire du Parti Destourien Libre (PDL) Abir Moussi a apprécié le programme présenté par le candidat à la Kasbah même si, selon ses dires, il constitue une simple déclaration d’intentions. «Nous vous félicitons pour ce programme d’autant plus qu’il est presque identique au nôtre, mais dites-nous comment allez-vous procéder ? Avez-vous un plan pour gérer la masse salariale par exemple ? Etes-vous en mesure de rationaliser le taux de la dette publique ? Dites-nous plus, donnez-nous du concret», a-t-elle appelé.
Le député du bloc démocratique Samia Abbou a, pour sa part, critiqué le programme de ce gouvernement affirmant même qu’il ne s’agit pas d’un véritable programme gouvernemental. «Le gouvernement Mechichi ne dispose pas d’un programme de gouvernement ni d’un projet encore moins de conceptions politiques»,a-t-elle souligné, ajoutant que même les membres de ce gouvernement ne jouissent d’aucune identité politique.
Idem pour Zouahaier Maghzaoui, secrétaire général du Mouvement du Peuple qui a critiqué le programme présenté par le Chef du gouvernement désigné, laissant entendre que si Mechichi présente un véritable programme aux partis, sa formation politique réagira positivement.
crédit photo : © Salma Guizani